Adresses des associations :
- AFTCC : 100 rue de la Santé 75674 Paris Cedex tél. : 01 45 88 35 28,fax : 01 45 89 55 66,
Site internet : http://www.aftcc.org/carte_membres (annuaire interactif des thérapeutes en France)
- IFFORTHECC : 90 avenue Napoléon Bonaparte 13100 Aix-en-Provence
E-mail : secretariat@ifforthecc.org
Site internet: www.ifforthecc.org/
Historique : Le développement des thérapies comportementales puis cognitives s’est effectué dans les pays anglo-saxons et de l’Europe du Nord, au début des années 1960. Elles se sont implantées en France à partir du début des années 1970 grâce à des associations privées dont les deux principales sont l’AFTCC (Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive), fondée en 1972, et l’AFFORTHECC (Association Francophone de Formation et de Recherche en Therapie Comportementale et Cognitive), fondée en 1994. Chacune de ces deux associations propose un annuaire des thérapeutes.
Définition des thérapies cognitivo-comportementales : Ces thérapies ont été fondées sur les théories de l’apprentissage : conditionnement classique, conditionnement opérant, théorie de l’apprentissage social. Puis elles ont également pris pour référence le modèle du traitement de l’information. On parle actuellement de thérapies comportementales et cognitives, ou de thérapies cognitivo-comportementales (TCC).
Évolution des TCC en France : Le premier ouvrage publié en français est dû au Dr Jacques ROGNANT (1970). La première consultation de thérapie comportementale s’est ouverte à la même époque dans le service du Pr. Pierre PICHOT à Sainte Anne, et a été assurée par le Dr Mélinée AGATHON (psychologue, CNRS). On peut voir également en Pierre JANET (1889) le précurseur français le plus marquant des thérapies comportementales et cognitives. Actuellement, en France, la TCC représente un courant majeur de psychothérapie. La recherche en thérapie comportementale et cognitive française a pu se développer grâce à des financements publics (Inserm ou Programme hospitalier de recherche clinique-PHRC), privés (industrie pharmaceutique), ou des travaux universitaires (thèses et DEA).
Formation des thérapeutes cognitivo-comportementalistes en France : La formation s’adresse aussi bien aux psychiatres qu’aux médecins généralistes, aux psychologues et aux infirmiers spécialisés en psychiatrie. Les orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs spécialisés ont accès à certaines formations. La formation est assurée par l’AFTCC, l’AFFORTHECC et des Diplômes Universitaires (DU).
Principes issus de la psychologie cognitive : La psychologie cognitive décrit les relations entre conscient et inconscient en distinguant deux types de processus cognitifs : les processus automatiques et les processus contrôlés. Les thérapies cognitives vont essayer de favoriser les processus contrôlés par rapport aux processus de traitement automatique de l’information.
Sensibilisation et habituation : L’habituation est un processus d’apprentissage qui peut être utilisé comme principe thérapeutique. Chez l’homme qui souffre de réponses émotionnelles excessives, l’habituation par présentation prolongée et répétée des stimulis aboutit à la diminution de la force des réponses inconditionnelles contrôlées par le tronc cérébral et le complexe amygdalien. En revanche, la présentation brève des stimulis évocateurs d’obsessions et de compulsions ou de phobies ne fait qu’accroître l’intensité des réponses motrices, cognitives et végétatives futures. Il s’agit du phénomène inverse de l’habituation : la sensibilisation. En général il faut 45 minutes d’exposition pour aboutir au phénomène d’habituation. Le thérapeute doit donc proposer aux patients phobiques ou obsessionnels qui sont traités par les méthodes d’exposition, des séances répétées et prolongées, plutôt que des séances brèves. Les thérapies comportementales se sont fondées, au début, sur la notion qu’un certain nombre de comportements, en particulier les comportements d’évitement, résulteraient d’un conditionnement par association de stimuli. Dans un premier temps, un conditionnement classique des réponses émotionnelles va fixer un pattern émotionnel dans la mémoire ; dans un deuxième temps, l’évitement comportemental va soulager de l’anxiété et fixer sur un mode opérant les réponses motrices. Les deux facteurs, conditionnement classique et conditionnement opérant, participent au maintien du trouble anxieux, ce qui fait que les TCC vont agir à ces deux niveaux d’apprentissage : réduire l’anxiété et encourager les comportements actifs d’affrontement. Le plus connu des principes utilisés en TCC est l’exposition aux situations anxiogènes (Wolpe, 1975 ; Marks, 1987). Celle-ci est en général effectuée de manière graduelle et précédée d’une phase d’exposition prolongée et répétée en imagination, qui vise à habituer les réponses physiologiques inadaptées et à éteindre les réponses motrices d’évitement.
Apprentissage social : le principe d’apprentissage par imitation de modèles : Il a été démontré (Bandura, 1977), sur le plan expérimental, l’importance de l’apprentissage par imitation de modèles. Ces principes ont été étendus aux problèmes cliniques. Les techniques dites de « modeling », sont surtout utilisées pour le développement de la compétence sociale par les jeux de rôles où le patient, après avoir joué une interaction sociale, observe des modèles compétents qui donnent leur version de la situation. Le patient s’inspire du modèle pour donner sa propre version. Ses progrès peuvent être filmés et discutés avec lui. Le modèle peut être présenté par le thérapeute qui joue la scène devant le patient avec un autre thérapeute, ou selon un programme d’apprentissage enregistré sur bande vidéo après une étude soigneuse et une adaptation aux problèmes d’interaction sociale particuliers à chaque patient. Bandura (1977) a également développé une théorie générale du changement psychothérapique en postulant une dimension particulière du fonctionnement mental : l’efficacité personnelle perçue. Elle accorde au sentiment d’impuissance apprise face à des événements aversifs un rôle central dans la psychopathologie. L’impuissance apprise et la perte de l’efficacité personnelle perçue peuvent rendre compte des réponses de stress, d’anxiété et de dépression. Le changement psychothérapique a lieu dans la mesure où un sujet se considère, à nouveau, comme capable de présenter un comportement et qu’il pense que ce comportement aboutira à un résultat (attentes de résultat). Modifier les attentes de résultats et d’efficacité est un principe général de changement utilisable en psychothérapie, notamment dans la dépression. Il s’agit donc d’une interprétation cognitive des théories de l’apprentissage, et l’oeuvre de Bandura et celle de Seligman représentent une transition entre les théories de l’apprentissage et les théories cognitives.
Modèle cognitif des troubles psychopathologiques : Chaque trouble psychopathologique résulte d’interprétations inadaptées concernant soi-même, l’environnement actuel et le futur. Il existe donc des schémas spécifiques : schémas d’interprétation négative des événements (dépression), schémas de dangers (phobies, attaques de panique), schémas de surresponsabilité (trouble obsessionnel compulsif). Ces schémas se traduisent par une attention sélective vis-à-vis des événements qui les confirment : ils représentent donc une prédiction qui se réalise. Les schémas pathologiques sont des structures adaptatives sélectionnées par un environnement et devenues inadaptées à un autre environnement. Ils peuvent avoir eu une valeur de survie dans l’histoire de l’individu ou bien celle de l’espèce, dont ils représentent un vestige qui a survécu à son utilité pratique. Ils sont donc à relier à des structures neurobiologiques (des réseaux), gérant à la fois les émotions et les croyances, sélectionnées par l’évolution des espèces. Ces schémas peuvent être à la base de la personnalité, en particulier les schémas précocement acquis (Cottraux et Blackburn, 2001). Les TCC ont pour but la modification des schémas par des méthodes cognitives, comportementales, émotionnelles et interpersonnelles. Un des moyens les plus efficaces de changement des schémas est la modification des comportements.
Pratique des TCC : Les TCC peuvent se présenter sous la forme de thérapie individuelle, de groupe, de couple ou familiale. La thérapie familiale sous forme de psycho-éducation et de résolution de problèmes a particulièrement été étudiée chez les psychotiques. Les séances sont limitées en nombre : 10 à 25 séances hebdomadaires pour les troubles anxieux et la dépression, une centaine pour les troubles de la personnalité ou la réhabilitation des psychotiques. Les séances sont d’une durée de 30 à 60 minutes. Cependant, pour les troubles de la personnalité, des séances d’une heure sont recommandées. Pour les formes graves des troubles de la personnalité comme la personnalité borderline, les techniques ont dû être adaptées à ce cadre particulier. La thérapie comportementale dialectique des personnalités borderline utilise différents principes et un ensemble éclectique de techniques qui correspond à un programme intensif qui dure une année et associe thérapie individuelle une fois par semaine et thérapie de groupe. Les principes sont comportementaux et cognitifs, ils font appel à la gestion des contingences de l’environnement, la modification cognitive de la pensée dichotomique (synthèse dialectique), l’exposition aux émotions (implosion ou flooding), et au développement des comportements adaptés socialement.
Les techniques comprennent :
- la résolution de problèmes.
- l’apprentissage de la gestion des traumatismes psychologiques, pour cesser de les dénier ou d’avoir une crise au moment d’un souvenir (en effet, plus de la moitié des patients borderline souffrent de stress post-traumatique).
- en groupe, jeux de rôles et résolution de problèmes, gestion des émotions, relations interpersonnelles, tolérance, acceptation de soi ; techniques d’éveil, de concentration et de mise à distance. Pour les troubles obsessionnels compulsifs graves et le stress post-traumatique chronique, des séances d’une heure à trois heures ont été recommandées.
Indications pour la thérapie comportementale et cognitive :
- Phobies, problèmes sexuels, stress post-traumatique
- Dépression, obsessions, psychoses, trouble de la personnalité
- Trouble obsessionnel compulsif
- Phobie sociale, réhabilitation des états psychotiques
Cadre thérapeutique :
La thérapie se déroule en plusieurs étapes :
- analyse motivationnelle : qu’est-ce que le patient désire changer ? Définition avec le thérapeute des objectifs du traitement
- établissement d’une relation thérapeutique de collaboration : l’alliance thérapeutique doit être bonne pour que la thérapie fonctionne bien
- analyse fonctionnelle : définition des comportements problèmes ; mise en relation des comportements avec les émotions et les pensées
Analyse :
- explication du problème psychopathologique et des techniques qui seront mises en place pour assurer le changement des comportements, des émotions et des pensées
- développement de capacités d’autoguérison et d’autogestion
- évaluation des résultats du traitement par rapport à une ligne de base enregistrée avant de commencer
- programme de maintenance et suivi durant un an après la fin de la phase active de traitement.
Analyse fonctionnelle : Une étape capitale est l’analyse fonctionnelle, qui étudie les relations entre les comportements problèmes, les pensées, les émotions et l’environnement social et physique de façon à adapter à chaque patient l’application de principes généraux fondés sur les théories de l’apprentissage et les théories cognitives.
On utilise des grilles d’analyse fonctionnelle (Cottraux, 1998) permettant de comprendre le fonctionnement du patient vis-à-vis de ses comportements problèmes présents (synchronie) et de leur mise en place et maintien dans le passé (diachronie), et ainsi de guider la démarche thérapeutique à partir d’hypothèses communes au patient et au thérapeute, en ce qui concerne les facteurs de déclenchement et de maintien du trouble.
Séance de thérapie cognitivo-comportementale : Le thérapeute est actif. Les séances sont structurées selon le modèle qui est issu des thérapies cognitives de la dépression (Beck et coll., 1979) mais qui peut être étendu facilement, avec quelques variantes, aux différentes indications des TCC. Une évaluation des tâches effectuées entre les rencontres, s’il y a lieu, est faite en début de séance. Puis un agenda de séance est défini : un thème est établi avec le patient. Des récapitulations fréquentes sont proposées : le thérapeute effectue toutes les dix minutes environ un résumé de la séance qu’il propose à la discussion du patient. La méthode «socratique» de questionnement permet de mobiliser les croyances. Le thérapeute n’effectuera pas de confrontation directe du patient à sa problématique, mais cherchera à développer une prise de conscience progressive par un jeu de questions et réponses. Des techniques cognitives, comportementales, émotionnelles et interpersonnelles sont ensuite utilisées pour modifier les schémas cognitifs et les pensées automatiques préconscientes qui entraînent les difficultés relationnelles du patient. Un résumé de séance est sollicité par le thérapeute de manière à mettre à jour ce que le patient retient de la séance. Ce résumé est discuté. Enfin le thérapeute demande un feed-back du patient sur ce qu’a fait ou dit le thérapeute avec une critique éventuelle de ce qui lui a déplu ou une mise en avant de ce qu’il veut préciser. Avant de terminer, des tâches cognitives et comportementales sont définies avec le patient. Elles seront à mettre en oeuvre dans la vie quotidienne et un agenda est établi concernant le ou les points à aborder en priorité lors de la prochaine séance.
Relation thérapeutique : Comme toute thérapie, la thérapie cognitivo-comportementale s’établit sur une relation thérapeutique dont les composantes sont non spécifiques : chaleur, empathie, authenticité, professionnalisme, confiance mutuelle, acceptation du patient. Ces composantes concourent à l’établissement d’une alliance thérapeutique positive. Elles sont nécessaires, mais ne sont pas suffisantes. En thérapie cognitive, la relation thérapeutique se fonde sur l’ici et maintenant, la sélection avec le patient de problèmes concrets à résoudre et une attitude consistant à tester des hypothèses thérapeutiques établies en commun. Ce type de relation est appelée « relation de collaboration empirique ».
TCC chez l’enfant et l’adolescent : Beaucoup des techniques cognitivo-comportementales développées et utilisées chez l’adulte ont été également appliquées à l’enfant et/ou l’adolescent. Dans le meilleur des cas, ces techniques ont été adaptées pour tenir compte des particularités développementales liées à l’âge, et parfois des manuels spécifiques destinés aux enfants ou adolescents ont été publiés. Dans d’autres cas, les traitements sont utilisés tels quels, ou seulement modifiés à la discrétion du thérapeute. Malheureusement, certaines études sur l’efficacité de la TCC chez l’enfant ou l’adolescent ne précisent pas comment et dans quelle mesure des traitements initialement destinés à l’adulte ont été modifiés en fonction de l’âge des sujets traités. D’autres techniques cognitivo-comportementales ont été développées directement pour l’enfant ou l’adolescent, et dans des indications spécifiques à cette tranche d’âge.
En conclusion, les TCC représentent l’application de la psychologie scientifique à la résolution des problèmes cliniques. Comme pour toute thérapie, elles prennent place dans un contrat de soins et à travers une relation thérapeutique, qui présente la caractéristique d’être une relation de collaboration empirique. Le fait que les TCC aient, dès leurs débuts, mis l’accent sur la validation scientifique des pratiques a permis le développement d’une culture de l’évaluation et la recherche des preuves d’efficacité. Ceci explique le nombre important des recherches contrôlées dans tous les domaines de la psychopathologie qui ont été conduites des années 1960 à nos jours sur l’efficacité et le processus des TCC.
BIBLIOGRAPHIE
COTTRAUX J. Les thérapies comportementales et cognitives. Masson, troisième édition, Paris 1998
COTTRAUX J. Les thérapies cognitives. Retz, deuxième édition, Paris 2001
COTTRAUX J, BLACKBURN IM. Thérapies cognitives des troubles de la personnalité. Masson, troisième édition, Paris 2001
JANET P. L’automatisme psychologique. 1889, Rééd. Odile Jacob, Paris 1999
PAVLOV I. Réflexes conditionnels et inhibition. Gonthier, Paris, 1963
ROGNANT J. La thérapeutique de déconditionnement dans les névroses. Masson, Paris 1970
SKINNER BF. L’analyse expérimentale du comportement. Dessart, Bruxelles 1971
WOLPE J. La pratique de la thérapie comportementale. Traduction de J. Rognant, Masson, Paris 1975.